Dakar,26 octobre 2025(JVFE)-Les hauts dirigeants chinois ont réitéré la semaine dernière leur pari sur le « développement économique de haute qualité » et l’« autosuffisance technologique ». Cette réunion sur le 15e plan quinquennal de l’empire du Milieu consacre son désir d’être une puissance capable de résister à l’Occident.
Qu’est-ce qu’un plan quinquennal ?
Il s’agit de l’énoncé des priorités de développement économique pour les cinq années à venir. Cette approche a été lancée par l’URSS en 1928 et était ancrée dans la conviction que la planification centrale de l’économie était plus efficace pour la croissance que le libre marché.
La réunion avait lieu à Pékin et rassemblait du 20 au 23 octobre près de 400 hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC). Un communiqué succinct a été publié jeudi, mais le plan quinquennal détaillé sera publié en mars prochain.
Pourquoi est-ce important pour la Chine ?
« Les plans quinquennaux sont moins cruciaux pour l’économie chinoise qu’il y a 20 ans, mais sous Xi Jinping [président depuis 2012], ils ont gagné en importance sur les plans politique et idéologique », dit Michael Kovrig, politologue canadien qui a été emprisonné, prétendument pour espionnage, en Chine entre 2018 et 2021 en réplique à l’arrestation au Canada d’une haute dirigeante de la société chinoise Huawei. « C’est un signe de la légitimité du PCC. »
Le président Xi joue un rôle plus important dans l’élaboration des plans quinquennaux. « Il est né l’année du premier plan quinquennal, en 1953 », dit Dan Wang, politologue de l’Université Stanford qui vient de publier un livre, Breakneck : China’s Quest to Engineer the Future, sur la monopolisation du pouvoir en Chine par les ingénieurs.
Il y a aujourd’hui d’autres modes de planification économique. Mais la réunion sur le plan quinquennal est l’occasion de donner des signaux politiques puissants.
Dan Wang, politologue de l’Université Stanford
M. Wang cite, à titre d’exemple des effets délétères des plans quinquennaux, l’annonce, l’été dernier, que des travaux sur le barrage hydroélectrique du Yarlung Tsangpo, au Tibet, avaient été lancés. « C’est un barrage trois fois plus grand que celui des Trois-Gorges [premier au monde sur le plan de la puissance]. Il est clair qu’il va y avoir moins de rendement sur l’investissement. » Or, étant donné qu’il figurait au 14e plan quinquennal, « il fallait que sa construction commence » pour respecter la volonté du président, avance M. Wang.
Quel sera l’impact du prochain plan quinquennal sur le Canada ?
« C’est un signal que la Chine va continuer dans la voie de la dernière décennie », dit M. Wang, qui a grandi à Ottawa. « Les calculs du Canada ne devraient donc pas changer. »
Les mesures de protection contre les tentatives de la Chine de monopoliser certains secteurs technologiques, par exemple les terres rares, des matériaux essentiels à la haute technologie, sont toujours pertinentes, selon Dan Wang.
Cela dit, M. Wang estime que le Canada, n’ayant pas une grande industrie automobile, ne devrait pas avoir des droits de douane aussi élevés sur les voitures électriques chinoises, pourvu que la Chine diminue ceux visant l’agriculture canadienne.
M. Kovrig note que l’accent mis sur l’autosuffisance des 14e et 15e plans quinquennaux diminue le potentiel d’exportation du Canada vers la Chine. « Les entreprises canadiennes vont avoir encore plus de pression de la part de concurrents chinois qui bénéficient de la taille du marché chinois et de subventions pour abaisser leurs prix. »
En quoi le prochain plan quinquennal se distingue-t-il des précédents ?

Les opinions des experts diffèrent au sujet de la consommation des ménages, qui stagne en Chine à moins de 40 % du PIB depuis 15 ans, contre 55 % au Canada. Cette faiblesse est l’une des sources de la déflation qui frappe la Chine.
« On reconnaît qu’il faut développer le marché intérieur, ce qu’on voyait en 2020, mais la question est davantage prise au sérieux », dit Scott Kennedy, du Centre d’études stratégiques et internationales à Washington, qui a écrit cinq livres sur l’empire du Milieu. « Le problème, c’est qu’on ne parle pas de la nécessité de développer les services ni du problème du chômage des jeunes diplômés universitaires. »
Les dirigeants chinois préfèrent des constructions et des produits tangibles, disent M. Kennedy et M. Wang. « Il y a un mépris du PCC pour les produits pour consommateurs de la Silicon Valley, dit M. Wang. Xi Jinping a dit qu’il ne fallait pas que les ménages chinois deviennent paresseux. Il y a des subventions pour remplacer les électroménagers. Il y a des conseils aux diplômés universitaires d’accepter des postes manuels qui ne leur conviennent pas nécessairement. »
Julian Karaguesian, économiste de l’Université McGill qui a publié l’été dernier une lettre ouverte recommandant de resserrer les liens avec la Chine1, est plus optimiste sur la capacité de la Chine à s’attaquer au chômage des jeunes et à la faible demande intérieure. Il pense que la réponse aux droits de douane américains misera sur les exportations vers d’autres pays et sur le développement du marché intérieur, y compris les services sociaux.
Deux politologues spécialistes de la Chine, Lizzi Lee de l’Asia Society de Washington et Arendse Huld de China Briefing de Hong Kong, confirment que des investissements dans les services sociaux, notamment auprès des personnes âgées, mentionnés dans le communiqué de jeudi, pourraient régler le problème de la faiblesse du marché intérieur. « Il faudra voir s’il y a des cibles spécifiques sur les services sociaux et le marché intérieur dans les documents du plan quinquennal en mars, ou si ce sont plutôt des changements prudents aux politiques sociales », dit Mme Lee.

