DAKAR,30 Aout 2025(JVFE)-Adoptée en mai 2024, la directive (UE) 2024/1619 réforme en profondeur le cadre prudentiel européen (CRD IV). Derrière l’objectif d’harmonisation, elle impose de nouvelles contraintes aux succursales de pays tiers, avec des effets potentiellement lourds pour les banques marocaines actives en Europe.
DIRECTIVE (UE) 2024/1619 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 31 mai 2024 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
Une directive européenne est un acte législatif de l’Union européenne qui fixe un objectif à atteindre par les États membres, en leur laissant la liberté de choisir les moyens et la forme pour y parvenir, par le biais de leur droit national. Elle impose un délai pour la transposition de ses objectifs dans le droit interne. C’est un instrument d’harmonisation des législations nationales, utilisé pour concilier des objectifs communs tout en laissant une marge de manœuvre aux États.
Caractéristiques clés d’une directive européenne :
- Acteur législatif :Elle est adoptée par le Conseil de l’Union européenne, souvent avec le Parlement européen.
- Objectif commun :Elle impose aux États membres un résultat à atteindre, comme le rapprochement des législations nationales.
- Liberté de transposition :Contrairement à un règlement, la directive n’est pas directement applicable dans les États membres. Chaque État doit transposer ses objectifs dans sa propre législation nationale.
- Délai de transposition :La directive prévoit une date limite pour que les États membres adaptent leur droit interne.
- Souplesse :Les États sont libres de choisir la forme et les moyens pour atteindre l’objectif fixé, ce qui leur permet de tenir compte de leurs spécificités nationales.
- Publication :Les directives sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne.
Comment une directive produit-elle ses effets ?
- Adoption : Les institutions européennes adoptent la directive.
- Transposition : Chaque État membre doit adopter un acte de droit interne (loi, décret, etc.) pour mettre en œuvre les objectifs de la directive dans son propre système juridique.
- Mise en œuvre : Le droit national transposé produit ses effets directement pour les citoyens.
Pourquoi l’UE utilise-t-elle des directives ?
- Harmonisation :Elles permettent d’harmoniser les législations des États membres, par exemple pour assurer le bon fonctionnement du marché unique.
- Flexibilité :Elles offrent une marge de manœuvre aux États, ce qui peut faciliter l’acceptation et l’application des règles européennes.
- Protection :Elles servent à protéger les citoyens dans divers domaines, comme la santé, la sécurité, ou le droit des travailleurs.
Pour rappel, cette directive du 31 mai 2024, publiée au «Journal officiel de l’UE» le 19 juin 2024, est entrée en vigueur le 10 juillet 2024. Les États membres de l’UE bénéficient d’une période de transition jusqu’au 10 janvier 2026 pour transposer la CRD6 dans leur législation nationale. Il s’agit d’imposer aux banques de pays tiers un cadre réglementaire unifié et plus strict, aux mêmes normes prudentielles que leurs homologues basés dans l’UE. Car, auparavant, la réglementation des succursales établies par des établissements de crédit de pays tiers pour fournir des services bancaires dans un État membre relevait principalement du droit national de chaque État membre, avec des exigences réglementaires variables, une situation jugée risquée pour la stabilité du système financier européen.
Dès l’entrée en vigueur de la directive, les succursales seront catégorisées en deux classes selon leur niveau de risque. Celles qui présentent un risque plus élevé – par exemple en raison d’un volume important d’actifs, de dépôts de détail élevés ou de l’origine dans un pays à supervision jugée insuffisante – seront rangées en classe 1. Les autres, plus petites ou non complexes, seront répertoriées en classe 2 et soumises à des exigences moindres.
Cette nouvelle typologie vise à proportionner les exigences prudentielles, mais elle pourrait reléguer les succursales marocaines les plus dynamiques dans la catégorie la plus contraignante. Ainsi, dans le considérant (19), on lit que “les succursales de pays tiers devraient donc être classées comme classe 1, lorsqu’elles sont jugées plus risquées, ou comme classe 2 dans le cas contraire”.
En raison de leur croissance et d’une supervision marocaine encore en voie de convergence avec les normes européennes, certaines succursales marocaines pourraient se retrouver catégorisées en classe 1, avec des obligations renforcées en matière de gouvernance, de fonds propres, de reporting et d’audit.
De même, la directive instaure un niveau inédit de coordination entre les autorités de supervision des États membres. Désormais, les succursales de classe 1 feront partie intégrante de collèges de superviseurs, qui coordonneront leur surveillance sur une base consolidée. Cela limite fortement la capacité d’une succursale à opérer dans un État membre sans être sous le radar des autres régulateurs européens.
Selon les experts de BMI-Fitch Solutions, les banques marocaines actives en Europe sont donc à la veille d’un bouleversement majeur, car, à défaut de trouver une solution, elles seront significativement impactées par ce socle commun d’exigences en matière d’autorisation, de supervision, de gouvernance et de reporting.
La nouvelle directive introduit notamment une classification par risque des succursales étrangères. Celles jugées plus sensibles, notamment en cas de non-équivalence réglementaire avec l’UE, devront se plier à des obligations renforcées. Autre contrainte majeure : les régulateurs européens auront le pouvoir d’imposer la conversion de succursales en filiales en cas de risque pour la stabilité financière ou dès lors que les seuils d’actifs (10 milliards d’euros dans un État membre, 40 milliards à l’échelle de l’UE) seront franchis.
La Directive européenne 2024-1619 impose aux succursales de banques de pays tiers un cadre prudentiel unifié et plus strict.
Pour les banques , l’enjeu est de taille. Elles devront affronter une hausse substantielle de leurs coûts de conformité : refonte des systèmes internes, investissements dans de nouvelles technologies de reporting et, dans certains cas, restructuration de leurs activités européennes.
«À court terme, nous pensons que ces mesures accroîtront le risque stratégique et pourraient nuire à leur réputation en cas de difficultés de mise en œuvre. Cependant, un potentiel avantage réside dans l’harmonisation des règles à travers plusieurs marchés européens, ce qui pourrait, à terme, faciliter l’expansion transfrontalière, malgré les défis financiers et structurels initiaux», estiment les experts de Fitch.
Jusqu’ici, chaque État membre appliquait ses propres règles aux succursales de banques étrangères, entraînant une mosaïque réglementaire parfois souple. Désormais, la directive impose un cadre commun à toutes les succursales de pays tiers opérant dans l’UE. Cela signifie que les banques marocaines ne pourront plus s’appuyer sur des régimes nationaux plus cléments : elles devront respecter un socle minimal harmonisé à l’échelle de l’Union.
Ce principe est clairement posé dans le considérant (17) de la directive, qui souligne que “une fragmentation du paysage réglementaire […] crée des risques pour la stabilité financière […] qui doivent être traités par un cadre réglementaire harmonisé”.
La suppression des divergences nationales signifie la fin des stratégies d’optimisation réglementaire. Les succursales devront répondre à un référentiel plus strict et uniforme, ce qui risque d’alourdir les charges opérationnelles et de réduire leur souplesse d’implantation.
La directive cherche aussi à empêcher tout contournement du cadre par le biais de structures juridiques qui masqueraient la réalité du contrôle effectif exercé par une entité de pays tiers. Par exemple, une banque marocaine pourrait être tentée de créer une filiale agréée dans un État membre comme la France, dans le but d’ouvrir ensuite des succursales dans d’autres pays de l’UE en s’appuyant sur le passeport européen.
Les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire auraient atteint 669 milliards de dollars en 2023, la résilience des marchés du travail dans les économies avancées et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ayant préservé la capacité des migrants à envoyer des fonds dans leur pays d’origine.
Au niveau des régions de destination, on observe une hausse des remises migratoires vers l’Amérique latine et les Caraïbes (8 %), l’Asie du Sud (7,2 %), l’Asie de l’Est et le Pacifique (3 %), et l’Afrique subsaharienne (1,9 %). Les transferts d’argent vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont en revanche diminué pour la deuxième année consécutive (-5,3 %), en raison principalement de la baisse des envois à destination de l’Égypte. Les remises migratoires vers l’Europe et Asie centrale ont fléchi de 1,4 %, alors qu’elles avaient connu un boom de plus de 18 % en 2022.
Les États-Unis restent la principale source d’envois de fonds des migrants. Les cinq principaux pays bénéficiaires cette année sont l’Inde (125 milliards de dollars), le Mexique (67 milliards de dollars), la Chine (50 milliards de dollars), les Philippines (40 milliards de dollars) et l’Égypte (24 milliards de dollars). Les pays dans lesquels le poids des remises migratoires en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) est particulièrement élevé — signe de l’importance de la contribution de ces fonds au financement des déficits du compte courant et des finances publiques — sont le Tadjikistan (48 % du PIB), les Tonga (41 %), le Samoa (32 %), le Liban (28 %) et le Nicaragua (27 %).
Compte tenu des tendances à la baisse de l’activité économique mondiale, la croissance des transferts d’argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire devrait encore ralentir en 2024, pour s’établir à 3,1 %. En cause, le ralentissement de la croissance économique et l’essoufflement des marchés de l’emploi dans plusieurs pays à revenu élevé. La volatilité des prix du pétrole et des taux de change, ainsi qu’un coup de frein plus marqué que prévu dans les économies à revenu élevé sont autant de risques susceptibles de dégrader ces prévisions.

« Les migrants sont parvenus à surmonter les crises et ont fait preuve de résilience pour continuer d’aider leurs familles restées au pays. Mais la forte inflation et la faible croissance mondiale pèsent sur les montants qu’ils sont en mesure d’envoyer, explique Iffath Sharif, directrice mondiale du pôle Protection sociale et emploi à la Banque mondiale. Il est essentiel que les marchés du travail et les politiques de protection sociale dans les pays d’accueil favorisent l’inclusion des migrants, dont les envois de fonds constituent une ressource vitale pour les pays en développement. »
Selon la base de données de la Banque mondiale sur les frais de transferts d’argent internationaux, les tarifs demeurent élevés, avec un coût moyen de 6,2 % pour l’envoi de 200 dollars (données disponibles au deuxième trimestre 2023). Les coûts sont en hausse par rapport à l’année dernière pour toutes les régions de destination des fonds, à l’exception du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les banques restent les intermédiaires les plus coûteux (avec un coût de 12,1 % en moyenne), suivis par les bureaux de poste (7 %), les opérateurs de transfert de fonds (5,3 %) et les opérateurs de services mobiles (4,1 %).

« Les envois de fonds des travailleurs migrants sont l’une des rares sources de financement extérieur privé qui devraient continuer de croître dans la prochaine décennie. Il faut en tirer parti pour mobiliser des capitaux privés à l’appui du financement du développement, en particulier grâce à l’émission d’“obligations diaspora”, souligne Dilip Ratha, économiste et auteur principal du rapport.
Au-delà de la question du coût, la menace touche directement la diaspora en Europe.
Certes, les dépôts non résidents ne représentaient que 1,8% du total des dépôts bancaires en mai 2025, mais l’impact potentiel se situe ailleurs : dans les transferts d’argent des Marocains résidant à l’étranger.
Les dépôts non-résidents en Europe concernent les comptes bancaires ouverts en Europe par des personnes qui ne sont pas domiciliées fiscalement dans le pays où se trouve l’établissement bancaire. Des banques traditionnelles et des néobanques comme REVOLU ou N26 proposent ce type de compte, même s’ils peuvent être plus complexes à ouvrir qu’un compte pour un résident. L’accès à certains produits d’épargne peut être limité pour les non-résidents.
Les dépôts bancaires étrangers ont de fait diminué dans la plupart des Etats de la zone euro au second semestre 2018, en raison précisément de scandales de blanchiment d’argent, montrent des données de la Banque centrale européenne (BCE).

Mais les Etats européens se doivent de surveiller les flux liés aux dépôts étrangers, a dit Valdis Dombrovskis, le commissaire européen en charge du secteur des services financiers.
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